SAMEDI 7 JUIN 2014
VIGILE DE PENTECOTE
EGLISE SAINT-JACQUES
Nous avons célébré Pâques comme l’aurore d’un jour nouveau et nous
terminons ces 50 jours à la fin de la journée. Comme pour déclarer
que ce n’est qu’un seul jour que nous avons célébré en priant chaque
jour l’Esprit Saint qu’il transforme nos vies et nous renouvelle en
profondeur. Comme pour dire que l’oeuvre du Christ en nous se fait
pendant le jour, à la pleine lumière, pour vivre avec lui de la vérité
qu’il a déposée en nos coeurs.
La Pentecôte juive est la fête de la moisson. Nous pouvons nous
appuyer sur cette réalité de la terre qui donne son fruit pour demander
à Dieu qu’il vienne moissonner nos vies. Le bon grain et l’ivraie ont
poussé ensemble et il n’était pas possible d’arracher les mauvaises
herbes sans risquer d’abîmer les grains qui donneront plus tard le pain
dont nous nous nourrirons. Mais qu’est-ce que l’ivraie ? Le mot luimême
nous le dit : c’est ce qui nous rend ivres, c’est-à-dire ce qui
nous fait perdre nos moyens, comme un homme qui a trop bu. Nos
pensées sont troublées, notre marche est chancelante, notre corps est
malade. Ce soir, nous venons dire à Dieu que le temps de la moisson
est arrivé et que nous voulons quitter l’ivresse de notre vie pour porter
du fruit et du fruit en abondance.
C’est l’Esprit de Dieu, l’Esprit de vérité qui va agir en nous, pour nous
purifier, nous émonder, nous guérir, nous consoler, nous sauver. C’est
l’Esprit de Dieu, qui « vient au secours de notre faiblesse » comme le
déclare saint Paul dans sa certitude d’homme pécheur. Prier le Saint
Esprit, c’est accepter la moisson de Dieu en nous.
Pendant 50 jours, nous avons été aspergés d’eau bénite pour
renouveler notre baptême et ce soir le Christ se présente à nous
comme un fleuve d’eau vive. Il n’est plus question de quelques
gouttes, il est question d’une abondance vitale, d’un courant qui
entraine tout, d’un appel à monter dans la barque de l’Eglise pour être
sur le fleuve du Christ pour aller vers Dieu. L’exclamation de Jésus de
venir à lui est le résumé, le fondement de notre vocation. Cet appel de
Jésus est l’accomplissement de la création. Au commencement,
l’Esprit de Dieu planait sur les eaux et tout était tohu-bohu, informe,
sans but, en bref, ivre. A l’accomplissement, l’Esprit est donné en
plénitude à Jésus qui nous le transmet aussi intégralement. Il n’est plus
question d’ivresse, d’ivraie, d’hommes titubants et errants, mais
d’hommes droits, vrais, justes et bons qui cheminent avec leur
Sauveur qui s’est fait leur frère et ami. Un frère ne fait pas tomber son
frère. Un ami n’enivre pas son ami. Il l’aime, le soutient,
l’accompagne, partage avec lui ses peines et ses joies, ses doutes et
son espérance. Telle est la grâce de la Pentecôte.
Les Apôtres étaient réunis pour prier, avec Marie la mère de Jésus.
Quand Pierre est sorti avec les Onze pour proclamer la résurrection du
Christ, il a d’abord du déclarer qu’ils n’étaient pas ivres, car leur joie
faisait penser à l’excitation éphémère. En réalité, Dieu les avait
moissonné. Il avait retiré l’ivraie de leur vie et désormais ils
pourraient parcourir le monde avec le feu de l’Esprit, sans craindre
pour leur vie et en interpellant les hommes à se convertir, à laisser
Dieu agir en eux comme il le veut, quand il le veut, pour leur bien et
leur salut.
Ce soir aussi nous sommes rassemblés comme les Apôtres pour prier.
Dans l’Eglise en Occident, elles ne sont pas rares les voix qui rendent
compte de la gueule de bois plutôt que de l’ivresse de l’Esprit Saint.
Elles ne sont pas rares les voix qui tonitruent que nous sommes sortis
de l’ère chrétienne et que notre génération est celle de la fermeture des
églises, voire de leur vente ou même de leur destruction. Elles ne sont
pas rares les voix qui invitent à tout rassembler en un lieu unique pour
faire croire pendant quelques temps encore qu’il y a un peu de monde.
Bref, ils sont nombreux les baptisés à avoir plus bu que prié l’Esprit
Saint. Bref, les défaitistes de l’histoire sainte sont les paralysants de
l’Eglise, les dépressifs du tohu-bohu, les moqueurs de l’espérance.
Lorsque nous parcourons la France et que nous repérons les villages
grâce à leurs églises séculaires, avons-nous à l’idée que ces églises ont
toujours été des lieux fréquentés, habités, en tout temps et en toute
occasion ? Sommes-nous des nostalgiques, des historiens ou des
prophètes ? Nostalgiques d’un pays uniforme, catholique et royaliste ?
Historiens de l’art roman ou gothique ? ou bien prophètes de ce qui
n’est pas encore advenu, à savoir la compréhension renouvelée de la
place de ces églises et donc de la foi chrétienne au coeur d’une
civilisation décadente qui ne vit que de pain (et encore pas trop) et de
jeux (préparons-nous au gavage du football dans quelques jours
pendant lequel on oubliera la Syrie, la Centrafrique, le Mali, l’Ukraine
et la Terre Sainte). Alors je voudrais vous inviter à la prophétie. Je
voudrais vous inviter à considérer que l’Esprit de Dieu est à l’oeuvre et
que cette oeuvre n’en est qu’à ses débuts, y compris en France et peutêtre
même d’abord en France, fille ainée de l’Eglise. Je voudrais vous
rappeler que les promesses de Jésus sont réalisées et encore à
appliquer en nos vies. Nous sommes les porteurs de l’espérance du
monde, car nous osons sortir le samedi soir pour venir à la messe de
Pentecôte et nous enivrer d’une parole de vie qui ne nous rendra
jamais malade ni ne nous fera chanceler. L’avenir de l’Eglise est
devant nous. L’avenir du salut de la France est entre nos mains.
Ouvrons nos églises, ouvrons nos tables, n’ayons pas peur de nous
mettre à genoux le matin au pied de notre lit pour invoquer l’Esprit du
Christ ressuscité pour la journée entière. Demandons au Seigneur
Esprit Saint de nous purifier, de nous moissonner, pour rejoindre les
coeurs de nos contemporains qui meurent de solitude, d’horizon clos,
d’ignorance de la joie de l’Evangile et qui vivotent en attendant la
mort sans aucune espérance.
Pour nous aider à vivre le temps ordinaire de la liturgie qui rejoint
l’ordinaire de notre vie, le Seigneur a préparé un petit cadeau pour
chacun d’entre nous ce soir : en entrant dans l’église, vous avez pris
une feuille de chant. Prenez votre feuille et regardez en bas de la
dernière page. Vous avez un cadre dans lequel sont notés les 7 dons de
l’Esprit Saint et l’un d’entre eux figure seul sur une ligne. Regardez la
feuille de votre voisin de droite et de gauche. Il est probable que ce ne
soit pas le même don. Merveille de la Pentecôte où le Seigneur nous
parle dans notre langue, c’est-à-dire nous donne ce dont nous avons
besoin. Pour nous émerveiller plus encore, je vais vous inviter à lire à
haute voix à vos voisins ce qui est marqué comme explication du don
que vous avez reçu. Bien sûr si vous ne connaissez pas son prénom
vous allez lui demander ! Et alors vous allez vous engager à prier pour
ce frère ou cette soeur en Christ, afin que le don reçu porte du fruit en
abondance. Lisez sans crainte à votre voisin ! Que ces paroles du pape
François montent dans cette église comme notre prière de supplication
à l’Esprit Saint et nous vivrons une Pentecôte de grâce, de lumière,
nouvelle moisson pour notre temps !
Amen !
Geoffroy de la Tousche
Curé de Dieppe