SOLENNITE DU SAINT-SACREMENT
DIMANCHE 22 JUIN 2014
« Il est grand le mystère de la foi » ! A chaque messe, nous entendons cette
proclamation, au coeur de la prière eucharistique, et nous répondons en affirmant
notre foi en la mort et la résurrection de Jésus notre sauveur et en annonçant que nous
attendons son retour dans la gloire. Alors dans l’attente de son retour, nous célébrons
l’Eucharistie. Cela veut déjà dire qu’un jour il n’y aura plus de messe. Non pas parce
qu’il n’y aura plus de prêtre, mais parce que le Christ sera revenu et qu’il ne sera plus
nécessaire de proclamer que nous l’attendons. La messe est donc le temps de
l’attente ! Tel est le mystère que nous célébrons à chaque messe. C’est le pape saint
Jean XXIII qui a décidé de transférer cette proclamation à la fin de la consécration du
pain et du vin, pour que le peuple puisse proclamer sa foi. Dans le rite de la messe de
Saint Pie V, « mysterium fidei » était proclamé par le prêtre à voix haute, au milieu
de la consécration du vin qui était prononcée à voix basse. Désormais, il est rendu
possible au peuple de Dieu de dire que nous attendons le retour du Christ dans la
gloire, pour achever l’alliance de Dieu avec l’homme et pour tout donner à Dieu.
C’est une grande invitation pour chacun d’entre nous. Nous répondons à cette
invitation en venant à la messe chaque dimanche. Parce que les chrétiens décident de
sanctifier le dimanche pour dire au monde entier que cette journée est véritablement
notre « Sunday », comme disent nos amis de l’autre côté de la manche : le jour du
soleil. Non pas le jour du soleil de notre galaxie, mais le jour de Jésus le sauveur de
l’univers entier, le vrai soleil qui illumine tous les hommes, parce qu’il les sauve, les
réchauffe, les sort de leur léthargie, de leurs tombeaux, de leurs péchés, de leur mort.
C’est la force de la culture latine. Alors que l’empire romain avait nommé les jours
de la semaine à partir des planètes du système solaire, lundi pour la lune, mardi pour
mars, mercredi pour mercure, etc., les chrétiens ont réussi à changer le « soldi »,
Sunday, « jour du soleil », en « dimanche », « dies dominici, jour du Seigneur.
Désormais le système solaire de l’homme avait pour centre le Seigneur et un jour
entier lui était consacré. Telle est notre foi ! Elle a réussi à changer le nom du jour du
repos pour lui donner le nom du Seigneur Jésus. Quand nous venons à la messe le
dimanche, nous venons affirmer comme Galilée, que la terre tourne autour du soleil,
que l’homme tourne autour de Jésus. Les chrétiens ont réussi à faire passer à
l’humanité entière le message de la résurrection de Jésus et que leur attente de son
retour dans la gloire était le coeur de leur vie. Ainsi quand nous répondons à
l’invitation de la messe chaque dimanche, nous osons prononcer le nom de Jésus, le
nom de celui qui nous sauve et nous venons communier à son Corps et à son Sang
pour manifester que c’est la seule nourriture qui nous sauve, le seul commerce qui
donne sens à notre vie car nous affirmons que le Christ nous a rachetés de nos péchés
et de la mort, pour nous donner la vie et la vie en abondance.
Je voudrais donc vous demander pour quelle planète vous venez à la messe chaque
dimanche ! En effet, puisque vous venez à la messe, cela signifie, avec vos mots à
vous, votre spiritualité, que vous croyez à Jésus mort et ressuscité et que vous
attendez son retour dans la gloire. Eh bien je voudrais vous inviter à partir
d’aujourd’hui à prendre dans votre coeur à chaque messe une nouvelle planète et de
vivre cette messe en l’offrant pour cette planète qui n’est pas encore réchauffée,
guérie et sauvée par le soleil de notre vie, Jésus. Je voudrais vous inviter à décider
chaque dimanche pour qui vous allez offrir votre messe, au moment même où le
Christ s’offre pour nous sur l’autel, dans le pain et le vin. Je voudrais vous inviter
même à avoir un petit carnet de messe, sur lequel vous pourriez écrire le nom et le
prénom de la personne pour qui vous allez offrir la messe à laquelle vous participez.
Venez avec ce carnet à la messe ! Venez à la messe, non pas pour écouter le sermon
de votre curé, non pas pour chanter de tout votre coeur, non pas pour regarder qui fait
les lectures, la quête, qui se montre et qui se fait valoir, mais pour offrir cette messe
comme un sacrifice de salut pour un membre de l’humanité qui ne vient pas à la
messe. Votre collègue de travail, votre belle-soeur à qui vous ne parlez plus, votre
professeur, votre voisin, votre grand-père qui est mort en refusant les funérailles
chrétiennes, la caissière du supermarché ouvert le dimanche, votre maire, votre
avocat, votre banquier, votre garagiste… Vous allez alors entrer dans la grande litanie
de ceux qui ne savent pas encore qu’ils sont invités au repas du Seigneur. Vous allez
vivre la messe avec une nouvelle intensité parce que vous allez tirer vers la lumière
ceux qui sont encore dans les ténèbres. Vous allez communier pour cette personne en
suppliant le Seigneur présent dans le pain et le vin de toucher son coeur comme il
touche le vôtre. Alors vous verrez si votre coeur est tout brûlant en vous, pendant
qu’il vous parle, qu’il vous explique les Ecritures à son sujet et au vôtre. Nous allons
alors entrer dans la messe par une nouvelle porte, qui sera la porte du mystère de la
foi. La messe ne sera plus jamais la messe comme avant, car nous allons tous devenir
des suppliants, nous allons tous porter avec nous le poids du monde, son péché, ses
limites, ses réticences, ses difficultés, en les apportant au pied de l’autel. En venant
en procession, vous viendrez avec ce membre invisible de l’humanité qui un jour
rencontrera comme nous le Soleil de l’Univers et qui devra dire si oui ou non il veut
vivre dans son orbite, pour recevoir le salut éternel. En venant à la messe, vous
offrirez tout ce qui vous énerve, tout ce qui vous agace et vous entrerez alors dans la
charité du Christ qui se donne à tous, sans sélection, sans distinction et qui veut nous
sauver tous, sans distinction, sans sélection.
Voici le grand mystère de la foi. Il nous éloigne des trous noirs du prêtre qui prêche
mal, du chant qui ne veut rien dire, du voisin qui se moque de nous et que de toute
façon nous n’avons pas salué et à qui nous ne donnerons pas la paix du Christ. Ce
grand mystère de la foi nous éloigne des conflits intergalactiques qui nous donnent
toujours de la matière à critiquer, à manquer de charité, à ne pas nous engager pour
ne pas nous convertir et trouver que c’est toujours aux autres à changer avant nous.
Le mystère de la foi, c’est le Christ qui se donne par le ministère du prêtre. Depuis 40
ans, nous n’appelons plus au sacerdoce. Nous avons des prêtres qui nous sont donnés
sans plus jamais que ce soit un fils de notre famille. Les prêtres, tout le monde en
veut, comme les autoroutes, mais pas dans son jardin. Les prêtres, ils sont super sauf
quand ils ne répondent pas à nos attentes, nos exigences, nos réclamations. Les
prêtres, ce sont des hommes donnés pour notre service, mais seulement si le service
ne bouscule pas notre confort, à commencer par l’horaire de la messe du dimanche
que l’on calcule à partir de l’heure à laquelle on va sortir de l’église, comme si nous
envisagions de quitter la table au fromage.
Comment voulons-nous que des jeunes puissent devenir prêtres aujourd’hui si nous
transformons ces hommes en punching-balls de notre spiritualité ?
Comment pensons-nous que des jeunes pourront devenir prêtres s’ils sont les témoins
dans les sacristies de pugilats dignes de gamins de maternelle et de conflits entre
chrétiens dont il faudrait qu’ils perdent leur énergie à les réconcilier alors que des
milliards d’hommes ne connaissent pas encore le nom du Soleil vainqueur du péché
et de la mort ?
Comment pouvons-nous espérer avoir des prêtres dans notre paroisse si nous
décidons que nous ne nous confessons pas, que nous allons à la messe quand le
planning et l’agenda sont conciliables avec l’horaire qui nous est imposé, quand nous
ne donnons pas au denier de l’Eglise, quand nous avons toujours une bonne parole
bien placée pour critiquer celui dont c’est de toute façon la mission de prendre des
coups ?
Comment pouvons-nous espérer avoir des prêtres dans notre vieille Europe si nous
cantonnons leur mission à des tâches administratives derrière un ordinateur ou à une
organisation matérielle alors qu’ils sont faits pour aller comme le Christ à la
rencontre du monde et lui annoncer la Bonne Nouvelle ?
Comment se fait-il que la paroisse de Dieppe n’ait pas donné un seul prêtre depuis
des décennies ? Je n’ai pas la réponse, mais je sais que la question est douloureuse
pour vous aussi. Nous sommes nombreux à la messe tous les dimanches ; nous avons
de la ferveur, un grand sens du service et un vrai amour du Seigneur. Mais alors
pourquoi n’y a-t-il pas de vocation à Dieppe ? Comment est-il possible que nous
soyons encore en vie alors que nous profitons du système sans jamais lui offrir ce que
nous avons de plus beau, de plus cher, de plus précieux : un de nos fils pour servir le
Christ et participer au salut du monde ? Demandons au Seigneur de débloquer ce qui
empêche la réponse des jeunes. Car Dieu appelle toujours !
Ce jour est un jour solennel. Il est grand le mystère de la foi ! Il est grand le mystère
de la présence réelle de Jésus au coeur du monde ! Supplions Jésus d’affermir en nous
sa présence salvatrice et bienfaisante pour notre âme ! Osons ce soir à nouveau
remplir cette église pour venir l’adorer dans l’adoration eucharistique, et en
particulier le prier pour lui demander de nombreux prêtres issus de notre
communauté ! Nous célébrerons alors le dimanche du Saint-Sacrement, la fête Dieu,
en disant à nos amis, à nos familles, au monde entier : ce jour est un jour consacré au
Seigneur ! Ce que je lui offre est bien peu face au salut qu’il me donne gratuitement !
Ce dimanche est le jour de sa victoire ! Ce dimanche est le jour de mon espérance !
Ce dimanche est le jour de ma conversion ! Ce dimanche est le jour nécessaire à toute
ma semaine pour vivre au coeur du monde avec le Christ au coeur de ma vie.
Amen.
Geoffroy de la Tousche
Curé de Dieppe