VENDREDI 15 AOUT 2014
ASSOMPTION DE LA VIERGE MARIE
Ce jour est un jour de fête et de joie pour la France qui célèbre la Vierge
Marie comme patronne principale du pays, mais c’est aussi un jour de joie
pour la ville de Dieppe. En effet, c’est le 15 août 1926 que [cette] [l’]
église du Sacré-Coeur a été consacrée, pour donner à la ville un nouveau
pôle spirituel, marqué par la miséricorde de Dieu, à travers la bonté du
Coeur du Christ.
Le chemin de la miséricorde célébré le 15 août à Janval est l’application
du livre de l’Apocalypse qui nous décrit l’apparition dans le ciel d’un
signe éclatant : une femme.
Cette femme est la Vierge Marie, qui porte son enfant et qui écrase le
serpent de l’orgueil et de la division.
Cette femme est l’Eglise qui porte les enfants du monde à la fontaine du
baptême au milieu du désert, comme le Christ apporta l’eau de la vie à la
samaritaine épuisée par ses péchés et honteuse de ses relations avec les
hommes.
Au coeur de l’Eglise, ce sont des hommes, les prêtres, qui portent la
miséricorde de Dieu. Ils représentent le Christ au milieu de son peuple,
petit nombre justement nécessaire à l’accomplissement de sa Parole de vie,
de paix, de réconciliation. Ce ministère du prêtre est perçu par beaucoup
comme un pouvoir qu’il faudrait partager avec les femmes, pour qu’il y ait
plus de prêtres dans l’Eglise, tout comme souvent les mêmes pensent qu’il
faudrait que les prêtres puissent se marier pour qu’il y ait plus de prêtres.
Cette double fausse route résulte d’une conception erronée du sacerdoce
qui peut être corrigée par un juste regard sur la Vierge Marie et en
particulier dans le mystère de son Assomption, ce qui veut dire dans le
mystère de sa relation particulière à Dieu, sur la terre comme au ciel, dans
sa réalité terrestre comme dans sa réalité céleste.
Si l’on considère le ministère du prêtre comme un pouvoir de direction de
l’Eglise, alors effectivement il pourrait y avoir aussi bien des femmes
prêtres que des hommes mariés prêtres dans l’Eglise Catholique.
Mais si l’on considère que la Vierge Marie nous montre le chemin du ciel
par l’unité avec le Christ sur la terre, alors il n’est plus question de pouvoir
mais bien de vocation, c’est-à-dire d’appel à ce que chacun à sa place
puisse répondre à la volonté de Dieu.
Marie en demeurant vierge avant et après la naissance du Sauveur,
représente l’incompréhensible aux yeux des hommes. Le petit nombre de
prêtres représente lui aussi l’incompréhensible organisation humaine de
l’Eglise aux yeux des hommes. Le Christ n’a pas voulu une institution
humaine mais une communauté appelée à rassembler l’humanité entière
pour qu’elle puisse se présenter à Dieu sans notion de pouvoir mais dans le
seul registre de l’amour. Cela ne peut se comprendre que par la notion
d’offrande, de sacrifice. Il serait facile pour l’Eglise de décider de vivre
autrement et de faciliter ainsi une organisation qui pourrait peut-être
pendant un temps répondre à une mode du temps qui cherche à effacer les
différences alors que chacun sait quelles différences fondamentales
constituent l’homme et la femme. Il serait facile de coller à l’ère du temps
pour se décoller de l’ère de Dieu. Il serait facile de dire que l’institution
Eglise n’est qu’une institution terrestre et de laisser à Dieu les affaires du
ciel pour que les hommes puissent s’occuper sans Dieu des affaires de la
terre. La Vierge Marie a suivi la mission terrestre de son Fils et elle est
même la seule à l’avoir comprise du début jusqu’à la fin. Si elle nous est
présentée debout au pied de la croix, c’est parce qu’elle sera à genoux pour
supplier l’Esprit Saint au jour de la Pentecôte. Au regard de la manière
dont Jésus a obéi à sa mère, même au cours de son ministère terrestre de
messie, il aurait été facile à Marie de lui imposer une organisation terrestre
où il aurait pu se reposer, s’éloigner de la foule, fuir les pouvoirs civils et
religieux qui prévoyaient sa mort. Rien de tout cela ne se lit dans
l’Evangile.
Toute l’attitude de Marie est une attitude d’écoute attentive de la Parole de
Dieu, son Fils né d’elle par la puissance de l’Esprit Saint. Toute l’attitude
de Marie est marquée par l’humilité, celle-là même qui lui permet de
chanter le Magnificat, véritable cantique d’accomplissement des
promesses de l’Ancien Testament, en présence de sa cousine Elisabeth.
Alors, comme le dit une fois encore l’Apocalypse, elle peut aller au désert
avec son Fils, comme l’Eglise est depuis toujours dans le désert de
l’incroyance comme une oasis dans laquelle on peut venir se ressourcer au
milieu de sa marche. L’Eglise est le puits de la miséricorde de Dieu. Dans
le désert de nos doutes et de nos péchés, dans le désert de nos défaillances,
dans le désert de notre incroyance, dans le désert des églises et des
séminaires fermés, l’Assemblée de Dieu continue de chanter le Magnificat,
avec humilité et ferme espérance. Car cette espérance professe la
miséricorde de Dieu, notre foi en sa parole qui promet qu’il ne nous
laissera pas orphelins.
Le milliard de catholiques qui célèbre aujourd’hui l’Assomption est une
goutte d’eau dans le désert de notre monde, mais sans cette goutte le
monde serait mort. Dans le désert de notre foi, si Marie n’était pas
accueillie au jour de sa mort, en son corps et en son âme, auprès de Dieu
pour recevoir la vie éternelle, notre foi serait alors morte, car nous
n’aurions construit qu’une institution de pouvoir dans laquelle nos
relations auraient été marquées par l’orgueil, la supériorité, la jalousie et la
méchanceté. Tout ce que le serpent avait envie de nous enseigner. Tout ce
que le serpent ne cesse de susurrer à nos oreilles pour pourrir notre vie
dans un regard uniquement terrestre sur notre humanité. Mais quand le
peuple chrétien prie humblement la Vierge Marie « maintenant et à l’heure
de notre mort », alors ce peuple manifeste son espérance en Dieu qui nous
a créés, qui veut notre bonheur malgré les épreuves de la vie et qui nous
appelle dans son éternité bienheureuse. Voilà pourquoi le 15 août est un
repère pour notre vie, notre foi.
Il y a 88 ans, Dieppe s’est doté d’un sanctuaire qui proclame la
miséricorde de Dieu, c’est-à-dire sa proximité avec nous ici-bas pour que
nous ne perdions pas courage. C’est le Sacré-Coeur de Janval.
Il y a 70 ans, Dieppe a prononcé un voeu à Notre-Dame de Bonsecours
pour supplier la Vierge de protéger la ville de toute destruction au cours de
la Seconde Guerre Mondiale.
Aujourd’hui, Dieppe peut paraître indifférente à ces actes de foi. Notre
présence ce matin à cette messe peut paraître une goutte d’eau au coeur
d’une immense braderie qui va jeter sur les trottoirs parmi des milliers de
bibelots, des bénitiers, des crucifix et des chapelets. Nous voulons dire
aujourd’hui que nous ne bradons pas notre foi pour en faire une réalité
terrestre qui plaise au plus grand nombre. Nous voulons dire au plus grand
nombre que notre vocation n’est pas à brader puisque par Marie nous
sommes les porteurs de l’espérance.
Amen.
Geoffroy de la Tousche
Curé de Dieppe