DIMANCHE DE PAQUES, 20 AVRIL 2014
MESSE DE L’AURORE
Eglise Saint-Jacques
« Quelle folie ! On se demande ce qui lui a pris. C’est le genre de décision
qui ne nous arrange pas du tout, qui change les habitudes, qui bouleverse
les gens ».
Il est probable en entendant ces paroles que vous puissiez penser à un je ne
sais quel prêtre. N’oubliez pas de répéter ces paroles à ceux qui ne sont pas
là ce matin !
Mais il est en vérité certain que le premier à avoir pris une décision folle, à
avoir changé les habitudes et à avoir bouleversé les gens, c’est le Dieu de
la Bible lui-même !
Depuis toujours, on croyait que la création de l’homme était le résultat
d’un combat entre des dieux et des demi-dieux. Nous étions alors le
résultat d’une mésalliance dramatique.
Depuis toujours, on croyait que l’homme devait faire des efforts pour
s’approcher de Dieu et que Dieu entende ses prières.
Depuis toujours, on croyait que celui qui était puni payait naturellement
pour les fautes qu’il avait commises.
Depuis toujours, on disait que c’était comme cela et que cela ne changerait
jamais.
Mais voici qu’un jour a surgi la folie de Dieu.
Voici qu’un jour, Dieu a décidé d’envoyer son Fils éternel, créateur de
l’univers, son modèle et sa ressemblance parfaite, pour dire autre chose
aux hommes. Et depuis 2000 ans, l’humanité résiste avec force à
l’acceptation de cette libération pourtant vraie, promise, donnée et
irrévocable. Certes en 2000 ans, un nombre certains de pays se sont
convertis à la folie de Dieu révélée par le Christ Jésus et beaucoup de
personnes ont changé de vie parce qu’elles ont compris, entendu et cru que
Jésus était leur sauveur.
Mais aujourd’hui, ce que nous voyons, c’est que nous nous sommes
endormis, un peu comme les soldats qui gardaient le tombeau de Jésus.
Alors pour justifier que c’est difficile de croire en la résurrection, nous
adoptons un comportement qui essaie d’être correct sans pour autant laisser
la vie nouvelle offerte par Jésus nous renouveler, nous changer, nous
projeter dans la vie divine comme il le voudrait tant !
Et aujourd’hui, le pire, ou le plus dur, c’est que nous voyons que toute
l’entreprise d’annonce de la résurrection de Jésus est à reprendre à zéro –
ou presque – dans notre bon vieux continent chrétien, dans notre belle
France fille ainée de l’Eglise, et dans chacun de nos coeurs endormis dans
le péché et dans la mort. Car il est arrivé un jour où nous nous sommes
habitués à la folie de Dieu. Nous avons commencé à en parler comme des
intellectuels sur un plateau de télé qui s’écoutent parler. Et nous avons
alors dit que c’était beau ce qu’ils disaient. Nous avons transformé des
liturgies vivantes en sépulcres blanchis, avec des chansonnettes miséreuses
et des horaires convenables : double enjeu fondamental : ne choquer
personne par des paroles qui appelleraient à la conversion et surtout finir à
l’heure pour ne pas rater le saint sacrifice du déjeuner du dimanche. Bref,
nous avons resserré les piquets de notre tente alors que Dieu nous disait
d’élargir nos espaces ; nous avons payé des chaisières pour louer notre
place comme au spectacle ; nous avons spécialisé notre vocabulaire pour
être sûr que les non-initiés ne pourraient pas nous comprendre alors que
Jésus vivait des extases en voyant que Dieu avait révélé aux tout-petits les
merveilles du Royaume ; nous avons mis des codes et des conditions alors
que Jésus avait dit à la femme adultère : « va et ne pèche plus ». Bref, nous
avons dit à Dieu que sa folie, nous n’en voulions finalement pas et que
nous avions des idées bien meilleures que les siennes pour bien rester entre
nous et ne pas être dérangés.
Oui mais voilà, nos plans n’ont pas empêché le Seigneur de l’univers de
bouleverser nos coeurs. Nous avons bien vu qu’il y avait un feu au plus
intime de nous-mêmes qui nous disait que nous faisions fausse route. Sur
le chemin d’Emmaüs, alors que nous étions tristes et sans espoir, nous
avons rencontré une personne qui a rendu nos coeurs brûlants. Au matin de
Pâques, les femmes de Jérusalem sont parties réveiller les apôtres alors
qu’elles se demandaient comment elles rouleraient la pierre.
En ce grand matin à Dieppe, à l’heure où les marins reviennent de leur
pêche, où les ouvriers vont prendre leur tour des 3x8, où certains errent
dans un état second ne sachant plus où ils habitent, nous avons entendu un
appel ! Appel à la folie, appel de la folie ! Appel à la folie d’un jour
nouveau ; appel de la folie de Dieu qui vient nous surprendre alors que tout
était bien organisé et tranquille. L’inouï de Dieu change nos habitudes !
Nous voulons le dire, nous voulons le vivre.
La pierre a été roulée, bien avant l’aube, car quand les femmes sont
arrivées au tombeau, il était déjà ouvert. Dieu est venu chercher son Fils
unique dans les entrailles de la terre, quand tout semblait mort, enténébré et
que la ville de Jérusalem était comme dans la torpeur d’un grand sabbat.
Par la vie nouvelle, par la résurrection de son Fils, Dieu recréait
l’humanité, son humanité, à la véritable image et ressemblance désirée de
toute éternité. Là où l’homme gisait dans les ténèbres du péché et de la
mort, Dieu est venu, Dieu est même descendu aux enfers, pour le réveiller,
le sortir de la condamnation inévitable et le propulser dans un temps
nouveau : le temps de la passion, de la mort et de la résurrection de son
Fils. Désormais, tout homme pourrait être certain que rien ni jamais
personne ne pourrait l’éloigner de Dieu, car Dieu s’est fait homme.
Désormais l’homme pourrait croire en l’homme car Dieu s’est fait homme.
Désormais l’homme pourrait croire en Dieu car l’homme est devenu Dieu.
Voilà ce que Dieu avait caché « aux sages et aux savants » ! Voilà la folie
aux yeux des sages et le scandale pour les juifs, comme le dira saint Paul.
Voilà ce que Dieu révèle « aux tout-petits », ce qui veut dire aux grands
pécheurs : ce n’est pas le péché que Dieu regarde mais la vie ! Il regarde en
nous comment nous déployons cette vie donnée et par la croix de son Fils
il la restaure, la guérit et lui redonne vie !
Il en a fallu du temps à l’homme pour comprendre ce fou projet de Dieu !
Dieu ne s’est jamais découragé, car Dieu est amour. Et l’amour prend
patience ! Il en a fallu du temps à Annie et Flora pour demander à recevoir
cet amour fou de Dieu ! Et ce n’est que le début ! En demandant le
baptême, elles confirment la folie de Dieu et la bonne nouvelle c’est que
nous en sommes témoins. Et la nouvelle folie au coeur de cette folie, c’est
qu’elles vont devenir nos soeurs, alors que tout à l’heure en nous levant, ce
n’était probablement pas déjà au programme ! Non seulement, on nous
change les horaires, mais en plus on nous donne des soeurs. Comme si nous
n’avions pas assez de mal déjà avec ceux et celles que parfois nous ne
pouvons plus supporter. Voici l’inouï de Dieu, la folie de Dieu. Le Christ
est venu plonger son coeur dans le nôtre pour nous manifester son amour de
chaque jour et éternel. Le Christ nous donne aujourd’hui deux nouvelles
soeurs pour apprendre que notre place d’aînés ne fait pas de nous des êtres
supérieurs mais des hommes et des femmes qui allons entrer dans la fête
que Dieu réserve à ses enfants qui reviennent vers lui : « il fallait bien
festoyer et se réjouir puisque ton frère que voilà était mort et il est revenu à
la vie ; il était perdu et il est retrouvé ».
Accueillons donc ce matin la folie de Dieu ! Ce ne sont que ses premières
lueurs ! Un jour nouveau commence ! La résurrection de Jésus n’en est
qu’à ses débuts dans notre vie ! Amen.
Geoffroy de la Tousche
Curé de Dieppe